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Une anorexique-boulimique un peu perdue

Ecrits de mai 2017

Publié le 18 Novembre 2018 par Ana_mia_trouble

Ca ne m’amuse pas d’être le pantin de la boulimie.

Ce n’est pas vraiment soudain.

On la sent venir, prendre petit à petit le contrôle de l’esprit puis pour finir le contrôle du corps entier.

Ce n’est pas amusant de se voir faire des choses qu’on ne veut pas faire, qu’on ne devrait pas faire, et ne pas faire ce qu’on devrait faire.

C’est facile de dire à une boulimique d’appeler ou de rentrer quand ça ne va pas. Si ça ne va pas, c’est déjà trop tard.

Elle est là,

elle est présente tout le temps, elle attend juste le moment de vulnérabilité, la faim.

Ou même parfois elle arrive juste parce que. On ne sait pas pourquoi.

On me dit souvent que « je ne suis pas dans le soin » mais comment faire et être dans le soin si on n’est plus nous-mêmes, totalement aliénés par la boulimie qui nous contrôle. La boulimie c’est une aliénation de l’esprit et du corps par une chose qui s’est incrusté dans la tête. Parfois j’aimerais tomber dans le coma et au réveil ne plus me souvenir de rien. Est ce que vous pensez que la boulimie, elle, se souviendrait ?

 

Je suis morte, ou peut-être pire, juste à l’agonie.

 

La première fois que vous m’avez vue, vous avez bien dû voir que j’étais sans espoir. Pourquoi m’avoir fait croire le contraire ? J’étais déjà partie, loin. Et la boulimie me poussait encore plus loin. J’avais 17 ans et je n’étais plus « là », j’en ai 20, et je ne suis pas revenue. Ces 3 ans ont été un enfer. Si on faisait la moyenne je devrais être à plus de deux crises par jour, ce qui implique plus d’une quinzaine de vomissements par jour, parce que oui, quand on fait une crise on ne vomit pas qu’une seule fois. Juste pour être sur d’avoir tout vomi, tant bien même qu’on sache qu’il restera toujours des calories absorbées. Les calories, ces petits diablotins, enfant de la boulimie et de l’anorexie. Elles entrent et elles sortent continuellement en moi. Comme des vagues qui se jettent et qui se retirent. Éternellement. sans relâche. Jusqu’à la fin, jusqu’à ma fin. Sans faim.

 

« vous n’êtes pas dans la dynamique de soin »

« vous n’êtes pas dans la dynamique de soin »

« vous n’êtes pas dans la dynamique de soin »

« vous n’êtes pas dans la dynamique de soin » (Nadia, infirmière)

Parce que tu ne vas pas bien depuis une semaine ça y est tu n’est plus dans la « dynamique de soin ». C’est trop facile. Beaucoup trop facile. J’ai envie de leur crier à la gueule à quel point c’est dur, j’ai envie de les confronter à « ça ». C’est trop facile de parler de chose qu’on ne ressent pas. C’est trop facile de parler de respect mutuel à quelqu’un qui ne se respecte pas soi même. C’est comme dire à une boulimique de juste arrêter de faire des crises. C’est trop facile de parler, d’écrire, tant bien même que c’est le bordel à l’intérieur. Ces jolies lignes droites, ces caractères tous pareils ne reflètent jamais tout ce bazar.

 

J’ai envie de tout arrêter, je n’y arrive pas, plus. Un mois que je suis là, deux semaines et demi qui se sont bien passées et là je fais n’importe quoi, mes pensées c’est le bazar, je ne sais plus quoi dire. Un pas en avant, deux pas en arrière. C’est tout ce que j’ai l’impression de faire. Avancer pour mieux reculer.

 

Je la ressens dans mon estomac. Mon estomac a l’air d’être si grand et si vide, et c’est ce vide qu’il faut combler. Toutes  les pensées sont parasitées par ce vide à combler, à combler avec la nourriture. L’eau ça ne marche pas, les tisanes ça ne marche pas, rien ne marche. Je suis à bout, pourquoi je ne m’endors pas ? Je ne suis même pas fatiguée, la boulimie me tient éveillée. “crise jusqu’à ce que tu ne puisses plus tenir debout” me dit-elle. C’est un guerre d’usure, laquelle de nous deux tiendras le plus longtemps.

 

Quand je repense à la période juillet-décembre 2016 je me rappelle à quel point j’étais au fond du trou. J’ai vraiment cru que je ne passerais jamais en 2017. Le pire c'est que j’avais toutes les cartes en main pour guérir mais il manquait une, moi. J’étais en soin-étude à Dupré, j’étais en séquentiel à la maison de Solenn. J'étais entouré par des médecins, ma famille, mes amis, des gens sympas. Mais j’étais comme un cadavre. Mon corps avait bien compris qu’il n’était plus nécessaire de lutter, c’est pour cela que j'enchainais les hypokaliémies. Mon corps était enfin en accord avec l’esprit. Mourir à tout prix. Les perches de secours se tendaient, et moi je les contemplais sans pouvoir les saisir. La dépression m’avait happé et contrôlais tout mes mouvements. La dépression je ne sais pas comment on en sort. Je ne sais même pas comment j’y suis rentrer et quand. Mais je sais quand j’ai envie de mourir. Cette envie de préférer la mort plutôt que la vie. Pourquoi ? Pourquoi choisir la vie, ce qui est compliqué, quand on peut faire simple en mourant ? C’est peut-être aussi ça le but des TCAS, mourir à petit feu. Longuement. En souffrant. Mais ça c’est la mort difficile. La dépression vient faire que l’on veut une mort facile, subite. Il faut mourir maintenant. Ça nous prend comme ça, il faut trouver avec quoi se tuer. Une lame, un couteau, des médicaments. Les deux, les trois. On ne sait pas, peu importe tant qu’on meurt, c'est ça qui compte. Je me souviens me couper pour me vider de mon sang, ma mère me disait “tu as du te faire mal” mais non. “Se faire du mal” mais ça ne fait pas mal tant que la vie elle même fait mal, trop mal pour être vécue. Je suis l'archétype de la fille qui ne veut pas grandir, justement parce que je sais que la vie fait mal et que je ne veux plus avoir mal. J’ai déjà tant souffert et ne ne peut plus supporter aucune souffrance. Je suis faible, les TCAS, la dépression et la vie m’ont rendus si faible… je suis vulnérable. Weak.

 

Je veux guérir. Je sais pas comment mais je veux guérir. Je ne sais pas par quel bout il faut s’attaquer. La dépression d’abord ? Ou alors les crises ? Ou les angoisses ? Quant aux idées suicidaires ? Et la restriction ? Je ne sais pas par où commencer. Il y a trop de problèmes. Autant y rester. C’est comme des sables mouvant. On s’y enfonce et plus on se débat et plus on s’enfonce. Serait-ce la même chose ? Se laisser couler doucement est-il la solution ? Ou alors tenter vainement de s’en sortir. C’est là. CA restera toujours là. Au fond. Et même si parfois on a l’impression que CA part, CA revient au triple galop. Il ne faut pas l’oublier, il ne faut pas la quitter. CA est réconfortant, Ca est sûr, on connaît ce qui va se passer avec CA. Sans CA que reste-t-il ? Rien. Un néant. Ou plutôt des nuées d’incertains. De peurs, de vide ? Les mêmes journées se répètent. S’occuper pour éloigner ça, pour mieux la retrouver le soir. On ne peut pas éternellement se battre contre quelque chose qui est ancré dans la tête. C’est se battre contre soi-même, c’est tuer une partie de soi. Certains diront que c’est tuer une mauvaise partie de soi pour mieux être soi-même, revivre. Mais quand on tue une partie de soi on ne peut plus jamais être celui qu’on a été. Qui devient-on sans CA ?

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